Histoire extraordinaire, essai sur un rêve de Baudelaire

Histoire extraordinaire, essai sur un rêve de Baudelaire, de Michel Butor, Galimard 1961 . Excellent état. Enlèvement possible sur etterbeek, uniquement pendant les heures de bureau

L'Histoire extraordinaire que nous raconte Michel Butor est celle de sa propre pensée appliquée à l'élucidation d'un rêve que fit Baudelaire à l'aube du 13 mars 1858, et dont il adressa aussitôt l'analyse à son ami Charles Asselineau.
L'idée était bonne d'interroger un document privilégié pour tenter de mieux comprendre l'auteur des Fleurs du mal, et il faut reconnaître que ce récit de rêve semble avoir été composé à dessein pour combler les psychanalystes : Baudelaire y expose comment, se promenant une nuit dans les rues de Paris, il fut amené à rendre visite à la maîtresse d'une maison de prostitution à laquelle il voulait offrir un livre (son premier ouvrage, publié la veille, la traduction des Histoires extraordinaires de Poe), comment il se retrouva en tenue peu décente dans un décor étrange, les pieds nus sur un sol mouillé, comment il découvrit dans les galeries où des filles le croisaient de curieux dessins représentant des oiseaux et des êtres singuliers, un monstre enfin pourvu d'un bizarre appendice enroulé autour de la tête...
De ces données Butor tire un ensemble d'indices et de présomptions qui lui permettent de résumer tout Baudelaire en définissant trois étapes essentielles de son itinéraire intérieur. Elles correspondent, selon lui, au choix de trois titres successifs pour son maître livre : les Lesbiennes, puis les Limbes, avant les Fleurs du mal, et surtout à l'élection de trois personnalités en qui il veut voir des artisans de son salut, des intercesseurs dans le sens religieux du terme : Jeanne Duval, sa compagne ; la " foule " (véritable personnalité morale, en effet, aux yeux du poète au lendemain des événements de 1848 : c'est le mérite de Butor de l'avoir montré); Edgar Poe, dont il se reconnaît le frère.
Cet essai progresse par courtes et élégantes variations sur des thèmes multiples. Il est minutieux, méthodique, tranquille, précis. Il touche à tout en ayant l'air de ne toucher à rien : à l'histoire littéraire, à l'érudition la plus exigeante et naturellement à la psychanalyse. Mais il reste très " artiste " dans sa démarche comme dans sa forme. Rien d'étonnant, donc, à ce qu'il nous donne surtout l'occasion de découvrir Michel Butor dans le miroir de Baudelaire. " Certains estimeront peut-être que, désirant parler de Baudelaire, je n'ai réussi qu'à parler de moi-même. Il vaudrait certainement mieux dire que c'est Baudelaire qui parlait de moi. Il parle de vous. "
(PolkA2)